La 1ère guerre mondiale à Saint-Aubin des Bois (1914 – 1918) :

Le 11 novembre 1918 entrait en vigueur, à 11 H, l’armistice, mettant un coup d’arrêt à cette folie meurtrière sur notre sol.

Nous allons tenter de retracer le destin tragique de ces 21 soldats « Morts pour la France » nés dans notre commune ou étant venus y habiter au gré de mariages ou recherches de travail et honorés sur une plaque de marbre apposée soit dans la salle de réunion du Conseil Municipal, soit à l’église.

Ces soldats ont eu des destins divers : disparus au cours des combats, prisonniers, blessés à diverses reprises, ayant contracté des maladies en service, célibataires, mariés laissant des enfants souvent en bas âge et des veuves.N’oublions pas aussi ceux qui s’en sont sortis avec des séquelles irréversibles, blessés, handicapés, prisonniers, devant exister dès lors avec toutes ces horreurs vécues dans leurs chairs et revenant sans cesse en mémoire.Nous verrons aussi que les conflits complémentaires extérieurs ont entrainé quelques uns de nos soldats dans les armées d’Orient, jusqu’en Turquie actuelle parfois.


– Les soldats « MORTS POUR LA FRANCE » :
  • Alexandre Olivier né le 15 octobre 1881 à Saint Aubin des Bois :

Soldat au 23ème régiment d’infanterie coloniale, 7ème compagnie, est décédé à Becquincourt (80 Somme) le 2 juillet 1916 à seize heures des suites de blessures de guerre. Mort pour la France. Décédé à 34 ans et 9 mois.

  • Besnard François Eugène né le 03 avril 1885 à Iffendic (Ille-et-Vilaine) :

Soldat de 2ème classe au 176ème régiment d’infanterie, 1ère compagnie de mitrailleuses, est décédé au secteur 502, à l’hôpital temporaire 11 A.O., le 22 octobre 1916 à cinq heures par suite de maladie contractée en service. Mort pour la France. Décédé à 31 ans et 6 mois. Marié à Saint-Aubin des Bois en 1910, un enfant né en 1914.

  • Boucher Joseph Eugène Victor né le 29 avril 1884 à Saint-Aubin des Bois, maçon :

Soldat de 1ère classe au 101ème régiment d’infanterie, a été porté disparu aux combats des Éparges, arrondissement de Verdun (Meuse) le 11 avril 1915. Mort pour la France. Décédé à 31 ans. Marié à Saint-Aubin des Bois en 1908, il était maçon. Un enfant, Paul, né en 1910. Par jugement du 27 octobre 1920, le Tribunal de Chartres a déclaré que le dénommé Joseph Eugène Victor Boucher est décédé aux Éparges (55 Meuse). Campagne contre l’Allemagne du 5 août 1914 au 11 avril 1915.

  • Bruneau Gaston Albert né le 31 janvier 1892 à Nogent-le-Rotrou, journalier :

Sergent au 5ème régiment d’infanterie coloniale, 6ème compagnie, depuis le 22 avril 1917, domicilié en dernier lieu à Saint-Aubin des Bois, est mort pour la France devant le plateau de Krivitza (Serbie) le 15 septembre 1918 à six heures du matin. Armée d’Orient, Franchet d’Esperey. Tué à l’ennemi. Mort pour la France. Décédé à 26 ans et 8 mois. Célibataire. Campagne contre l’Allemagne du 2 août 1914 au 15 septembre 1918.

  • Chaboty Edmond Arthur né en 1899 à Saint-Aubin des Bois :

Caporal au 1er bataillon du 19ème régiment de tirailleurs algériens, est décédé à Aïn Tab (Turquie) le 31 janvier 1921, sur le champ de bataille, à deux heures du soir, célibataire. Noté décédé en Cilicie. Mort pour la France. Décédé à 22 ans.

  • Crosson Maxime Léonard né le 22décembre 1890 à Saint-Denis des Puits, charretier :

Soldat au 101ème régiment d’infanterie, 2ème classe, est décédé au domicile de ses père et mère le 8 octobre 1919 à Saint-Aubin des Bois, en convalescence suite à maladie contractée au service. Mort pour la France. Décédé à 28 ans et 10 mois. Célibataire. Campagne contre l’Allemagne du 3 août 1914 au 8 octobre 1919.

  • Fleury Gabriel Joseph né le 11 février 1890 à Saint-Aubin des Bois, journalier agricole :

Par jugement du 2 février 1921, le Tribunal de Chartres a déclaré que le dénommé Gabriel Joseph Fleury, soldat de 2ème classe au 101ème régiment d’infanterie, est décédé en Belgique le 22 août 1914 devant Ethe et Gomery. Il a été porté disparu en Belgique ainsi qu’il résulte d’un acte de disparition en date du 7 septembre 1914, présumé prisonnier.
Prisonnier décédé antérieurement au 12 janvier 1915, blessures de guerre, sépulture inconnue. Décès fixé par jugement déclaratif. Mort pour la France. Décédé à 24 ans et 7 mois. Célibataire. Cité à l’ordre du régiment en date du 17 mars 1919 « soldat très brave et très dévoué, a trouvé une mort glorieuse à Bleid (Belgique) en faisant courageusement son devoir » (extrait de l’état des services, manuscrit). Médaille militaire (Dreux le 8 septembre 1919). Campagne contre l’Allemagne du 3 août 1914 au 22 août 1914.

  • Fleury Paul Désiré né le 16 mars 1883 à Cintray, frère du précédent, journalier :

Soldat de 1ère classe au 54ème régiment d’infanterie, 3ème compagnie de mitrailleuses, classe 1903, domicilié en dernier lieu à Saint-Aubin des Bois, est décédé à Bouchavesnes (80 Somme) à onze heures par suite de blessure d’obus le 25 septembre 1916. Mort pour la France. Décédé à 33 ans et 6 mois. Transcription du décès : « Nous n’avons pu nous transporter auprès de la personne décédée et nous assurer de la réalité du décès, l’endroit où il s’est produit n’ayant été occupé que momentanément « . Cité à l’ordre n° 56 de la 25ème brigade d’infanterie du 8 octobre 1916 : « soldat discipliné et courageux. Au feu depuis le début de la campagne, s’est distingué particulièrement dans la journée du 25 septembre 1916 par son sang froid et sa bravoure. Tué en montant à l’assaut le 25 septembre 1916. Croix de guerre. Médaille militaire, JO (Journal Officiel) du 6 mai 1922, page 937 ». Campagne contre l’Allemagne du 12 août 1914 au 25 septembre 1916.

  • Gentil Victor Théodore le 13 janvier 1879 à Commer (Mayenne) :

Soldat de 2ème classe au 26ème régiment d’infanterie territoriale. Il est décédé sur le terrain à Ramillies (Nord), décès constant, le 6 septembre 1914. Mort pour la France. Décédé à 35 ans et 8 mois. Marié à Saint-Aubin des Bois en 1912, un enfant reconnu né en 1909. Une note du 8 mars 1917 émanant de la mairie de Saint-Aubin des Bois confirme qu’aucune nouvelle n’a été reçue du soldat Gentil Victor Théodore, classe 1899, du 26ème régiment d’infanterie territoriale depuis la réception à la mairie d’un avis en date du 5 février 1917 signalant sa disparition au combat à Ramillies (59 Nord) le 26 août 1914. Signé Maupertuis. Inhumé à Ramillies, fosse commune 9.

  • Graffin Albert Germain né le 8 février 1894 à Saint-Aubin des Bois, boucher :

Soldat de 2ème classe à la 3ème compagnie du 131ème régiment d’infanterie, est tombé glorieusement pour la patrie devant Rancourt (80 Somme) le 1er novembre 1916, à cinq heures trente, par suite de blessure de guerre par éclat d’obus. Tué à l’ennemi. Mort pour la France. Décédé à 22ans et 9 mois. Campagne contre l’Allemagne du 4 septembre 1914 au 1er novembre 1916.

  • Maintenant Ernest Henri Alexandre né le 23 janvier 1873 à Bizou (Orne), cultivateur :

Prisonnier de guerre devant Verdun le 22 février 1916, âgé de 46 ans, célibataire, est décédé à Meschede (Allemagne), hôpital des prisonniers de guerre, le 23 décembre 1918 à deux heures trente du matin. Il avait été affecté au 29ème régiment territorial d’infanterie.
En captivité à Meschede du 13 mai 1916 au 23 décembre 1918. Après traduction d’un acte de décès établi en langue allemande déposé aux archives de la guerre : « Le médecin chef de l’hôpital des prisonniers de guerre de Meschede a déclaré que le prisonnier de guerre français Ernest Henri Alexandre Maintenant est décédé à Meschede, hôpital des prisonniers de guerre le 23 décembre 1918, à deux heures et demie du matin, de maladie ». Mort pour la France. Décédé à 45 ans et 3 mois. Marié à Saint-Aubin des Bois en 1897, deux enfants nés en 1900 et 1905. Campagne contre l’Allemagne du 4 août 1914 au 23 décembre 1918.

  • Maufrais Georges Émile né le 21 janvier 1885 à Saint-Aubin des Bois, un cultivateur :

Maréchal des logis au 101ème régiment d’artillerie lourde depuis le 16 juillet 1916, 12ème groupe, colonne légère, classe 1905, est mort pour la France à Troyes (10 Aube), à l’hôpital complémentaire numéro 4, le 15 janvier 1918 suite de maladie contractée au service. Décédé à 33 ans. Mort pour la France. Marié à Berchères les Pierres en 1909, un enfant né en 1910. Campagne contre l’Allemagne du 3 août 1914 au 15 janvier 1918.

  • Meslard Hilaire Paul Armand né le 14 janvier 1884 à Fontenay-sur-Eure, charretier :

Soldat au 413ème régiment d’infanterie depuis le 21 janvier 1917, a été porté disparu au plateau de Californie à Craonne (02 Aisne) le 17 mai 1917, tué à l’ennemi. Mort pour la France. Décédé à 33 ans et 4 mois. Marié à Amilly en 1908. Dernier domicile à Saint-Aubin des Bois. Campagne contre l’Allemagne du 5 août 1914 au 17 mai 1917.

  • Noue Adelphe Joseph Louis né le 24 juin 1879 à Saint-Aubin des Bois, marchand de porcs :

Soldat de 2ème classe à la 4ème compagnie de mitrailleuses du 203ème régiment d’infanterie, blessé le 27 septembre 1915 à Neuville-Saint-Waast (Pas-de-Calais), entorse du pied droit. Est décédé aux positions devant le Mort-Homme (55 Meuse) le 30 juin 1916 à deux heures du matin, par suite de maladie contractée en service. Mort pour la France. Décédé à 37 ans. Marié en 1905 à Bailleau-l’Evêque. Campagne contre l’Allemagne du 5 août 1914 au 29 septembre 1915, intérieur du 30 septembre 1915 au 4 mai 1916 et à nouveau contre l’Allemagne du 5 mai 1916 au 30 juin 1916.

  • Roch Joseph Alexandre né le 04 septembre 1883 à Chuisnes, cultivateur :

Soldat au 21ème régiment d’infanterie coloniale, est décédé à Maricourt (80 Somme) le 30 septembre 1914. Mort pour la France. Décédé à 31 ans. Marié à Saint-Arnoult des Bois en 1911, un enfant né en 1912. Campagne contre l’Allemagne du 12 août 1914 au 30 septembre 1914.

  • Roquillet Georges Ernest né le 12 mai 1883 à Saint-Aubin des Bois :

Classe 1913, matricule de recrutement 1100, bureau de Dreux, caporal à la 23ème compagnie du 4ème régiment mixte de zouaves et tirailleurs, est décédé près des carrières d’Haudromont (55 Meuse) le 14 décembre 1916, à huit heures du matin, tué à l’ennemi. Mort pour la France. Décédé à 23 ans et 9 mois. Transcription du décès : « Par suite de circonstances de guerre, nous n’avons pu constater de visu la réalité du décès ».

  • Roulleau Edmond Louis Augustin né le 05 juin 1891 à Saint-Aubin des Bois, maréchal ferrant :

Affecté au 26ème régiment d’artillerie à Chartres, grade 1er canonnier conducteur, est décédé au domicile de ses père et mère le 20 octobre 1918, à Saint-Aubin des Bois de maladie contractée en service, paludisme contracté en Orient. Mort pour la France. Décédé à 27 ans et 4 mois. Célibataire. Campagne contre l’Allemagne du 2 août 1914 au 20 octobre 1918.

  • Salmon Alfred Georges né le 07 mars 1883 à Amilly, berger :

Soldat de 2ème classe à la 5ème compagnie du 101ème régiment d’infanterie, est décédé au secteur de Tavannes près de Verdun (55 Meuse) le 3 juin 1916 à trois heures. Mort pour la France. Tué à l’ennemi. Décédé à 33 ans et 3 mois. Campagne contre l’Allemagne du 11 août 1914 au 3 juin 1916.

  • Sortais Louis Joseph Gabriel né le 25 janvier 1896 à Grognault, charretier :

Soldat de 2ème classe affecté au 7ème régiment d’infanterie coloniale, disparu le 18 octobre 1916 à Souain (Marne), fait prisonnier de guerre à Souain le 18 octobre 1916, est envoyé en captivité à Dulmen jusqu’au 31 janvier 1918. Il est décédé à Friemersheim (Allemagne) à l’hôpital Bertha (Lazaret) le 31 janvier 1918 à trois heures trente du matin, suite à un accident en captivité. Il a été inhumé au cimetière local de Friemersheim, champ II section II et III, tombe 38. Mort pour la France. Il avait 22 ans. Célibataire. Campagne contre l’Allemagne du 9 avril 1915 au 31 janvier 1918.

  • Tacheau Eugène Félix Emile né le 19 février 1899, à Saint Aubin des Bois, charretier :

Matricule 1085, bureau de Dreux, affecté au 412ème Régiment d’Infanterie, a disparu le 18 mars 1920 à Ourfa (Turquie d’Asie). Le 412ème R.I., constitué le 23 mars 1915 à Limoges à partir d’éléments venus des dépôts de le 11ème Région Militaire, est désigné en 1919 pour partir en Syrie-Cilicie rejoindre l’Armée du Levant au sein de la 156ème D.I. (Division d’Infanterie) jusqu’en 1921, au titre de la mission française de protection des minorités chrétiennes. Noté décédé le 18 mars 1920 au cours du siège d’Ourfa par l’armée turque. Mort pour la France. Décédé à 21 ans et 1 mois. Transcription du décès : « Attendu qu’il résulte des documents communiqués par le Ministre de la guerre que le soldat Eugène Félix Emile Tacheau du 412ème régiment d’infanterie a disparu le 18 mars 1920 à Ourfa, que l’enquête administrative faite par le Ministre de la guerre postérieurement au retour des prisonniers de guerre n’a révélé aucun fait de nature à faire présumer l’existence du susnommé , que depuis la disparition qui a pour cause un fait de guerre il s’est écoulé plus de deux années. Attendu qu’il importe de faire application de la loi du 25 juin 1919 et de déclarer le décès du disparu. Par ces motifs dit et déclare que le soldat Eugène Félix Emile Tacheau du 412ème régiment d’infanterie, né à Saint-Aubin des Bois le 19 février 1899, fils légitime de Paul Eugène et de Caroline Louise Emilia Gouju, célibataire, domicilié en dernier lieu à Saint-Aubin des Bois, est mort pour la France.
Fixé au 18 mars 1920 jour de la disparition de la date présumée du dit décès survenu à Ourfa Turquie d’Asie ». Campagne contre l’Allemagne du 16 avril 1918 au 23 octobre 1919.

  • Triboit Marie Alexis né le 17/07 1893 à Saint-Aubin des Bois, charretier :

Soldat de 2ème classe au 101ème régiment d’infanterie, matricule 1116, bureau de Dreux, classe 1913, célibataire, a été porté disparu à Ethe (Belgique), ainsi qu’il résulte d’un acte de disparition en date du 7 septembre 1914 ; qu’il y a lieu de présumer que ce décès s’est produit le 22 août 1914, jour de la disparition (jugement déclaratif de décès par le Tribunal civil de Chartres le 31 mai 1921). Mort pour la France. Décédé à 21 ans et 1 mois, tué à l’ennemi, inhumé à Bleid (Belgique) « par les autorités allemandes », sépulture inconnue. Campagne contre l’Allemagne du 7 août 1914 au 22 août 1914. Transcription le 14/09/1920 sur le registre d’état civil de Saint Aubin des Bois.

« La mention « Mort pour la France » : cette mention a été instituée par la loi du 2 juillet 1915, modifiée par la loi du 22 février 1922, au lendemain de la Première Guerre Mondiale. Les textes qui ont étendu ultérieurement le droit sont codifiés dans l’article L.488 du code des pensions militaires d’invalidité et des victimes de guerre qui stipule que « doit, sur avis favorable de l’autorité ministérielle, porter la mention « Mort pour la France », tout acte de décès d’un militaire ou civil tué à l’ennemi ou mort dans des circonstances se rapportant à la guerre ».

Une notion primordiale à retenir : la preuve doit être apportée que la cause du décès est la conséquence directe d’un fait de guerre. Par ailleurs, si la nationalité française est exigée pour les victimes civiles de la guerre y compris les déportés et internés politiques, elle ne l’est pas pour les membres des forces armées y compris les déportés et internés résistants. (ONACVG)

La mention « Mort pour la France » est une récompense morale visant à honorer le sacrifice des combattants morts en service commandé et des victimes civiles de la guerre. Elle confère aux victimes une reconnaissance et un statut individuel (droit à la sépulture individuelle et perpétuelle dans un cimetière militaire aux frais de l’Etat par la loi du 29 décembre 1915, création d’associations de veuves et d’orphelins, pension de veuve de guerre).

La loi n° 2012-273 du 28 février 2012 précise dans son article 2 que lorsque la mention « Mort pour la France » a été portée sur son acte de décès dans les conditions prévues à l’article L.488 du code des pensions militaires d’invalidité et des victimes d guerre, l’inscription du nom du défunt sur le monument aux morts de sa commune de naissance ou de dernière domiciliation ou sur une stèle placée dans l’environnement immédiat de ce monument est obligatoire.


Michel GUESNET

Cérémonie du 11 novembre 2021

C’est sous un beau ciel bleu strié d’envols de feuilles mortes poussées par le vent que s’est déroulée cette cérémonie commémorative 2021, placée toujours sous le signe du masque sanitaire.

Le cortège formé devant la mairie s’est dirigé vers le parvis de l’église où eut lieu comme à l’accoutumée la lecture des 21 noms de soldats décédés au cours de ce conflit ponctué par un « mort pour la France » individuel.

Puis des bouquets furent déposés sur quelques tombes encore présentes dans le cimetière.

De retour devant le monument aux morts les messages de l’UFAC et de la ministre déléguée auprès de la  ministre des Armées, chargée de la Mémoire et des Anciens Combattants furent lus devant l’assistance.

Le message de l’UFAC lu par un jeune de la commune, Sofiane, retraçait les principaux évènements de ce conflit meurtrier, en substance : «  La France célèbre aujourd’hui le 103ème anniversaire de l’Armistice du 11 novembre 1918 qui mettait fin à quatre années d’horribles souffrances vécues par les combattants des pays belligérants.  Les Monuments aux Morts de nos villes et de nos villages rappellent et gardent le souvenir de ces hommes tombés sur les champs de bataille. La France comptait 1 400 000 morts, 740 000 invalides, 3 000 000 de blessés et des centaines de milliers de veuves et d’orphelins…

En ce jour de commémoration, rendons hommage à tous ces soldats de Métropole, d’Outre-mer, des pays alliés, combattants de tous grades, qui ont fait preuve d’un courage exemplaire méritant notre reconnaissance. Beaucoup d’entre eux sont « Morts pour la France » …

L’UFAC enfin « invite la jeunesse à œuvrer pour un monde plus juste, plus solidaire, plus fraternel et en paix ».

Discours de la ministre déléguée lu par le Maire : « 11 novembre. La fin des combats de la Grande Guerre a marqué les consciences et imprégné les mémoires. Evènement qui transcende le temps et franchit les générations… A la onzième heure du onzième jour du onzième mois, après quatre interminables années, le canon s’est tu, la fureur s’est calmée. Le dernier mort, le dernier tir, la dernière détonation. Depuis Compiègne, où l’armistice a été signé à l’aube, jusqu’au front, du premier des clairons à tous les clochers de France, de l’esplanade de chaque ville à la moindre place de village, une déferlante de soulagement, un soupir de délivrance, ont traversé le pays de part en part

Derrière l’allégresse, derrière le tricolore flottant aux fenêtres et les Marseillaises triomphantes, partout le deuil, les blessures inguérissables, les ruines matérielles, morales et humaines qui se sont installées pour longtemps. Des mères et des pères qui n’ont pas retrouvé leur fils, des fratries qui n’ont pas retrouvé leur père, des épouses et des époux qui ont perdu l’être aimé »… « Les noms gravés sur nos monument aux morts nous rappellent constamment les valeurs d’honneur, de courage, de dévouement et de bravoure. Ils nous rappellent la fraternité d’armes…

Aujourd’hui, dans un même mouvement, la France reconnaissante fait cortège au cercueil d’Hubert Germain jusqu’à la crypte du mémorial de la France combattante au Mont Valérien. Selon la volonté du général DE GAULLE, l’ultime compagnon de la Libération y reposera. Dernier dans la mort, parmi les premiers de 1940, Hubert Germain est le porte-étendard des 1 038 illustres qui ont tant fait pour l’idéal de liberté et l’esprit français ».

 « La flamme des compagnons s’est éteinte, mais nous sommes les dépositaires de ses braises ardentes. Entretenons-les sans cesse, ravivons-les inlassablement, en honorant ceux qui donnent leur vie pour la France, ceux qui la servent avec dévouement et courage ». Fin des discours.

Pendant le premier confinement, j’ai cherché quels pouvaient être les natifs de la commune  de Saint Aubin des Bois qui avaient été mobilisés durant ce conflit, c’est-à-dire uniquement des hommes des classes 1890 (nés en 1870) à 1920 (nés en 1900). Pour cela il fallait passer au crible les registres d’état civil de la commune. A cela il faut ajouter les hommes habitant la commune au moment de leur mobilisation mais n’étant pas natifs de la commune.

Ensuite, à partir des registres matricules numérisés par les services des Archives Départementales d’Eure et Loir, il fallait tout d’abord retrouver leur bureau de recrutement (Chartres ou Dreux), puis chercher leur nom dans les listes alphabétiques, leur numéro d’ordre et ainsi accéder à leurs fiches de renseignements concernant leur état civil, la décision du conseil de révision et motifs des dispenses, le détail des services et mutations diverses, les antécédents judiciaires et condamnations, les campagnes contre l’Allemagne, les blessures, les citations, les décorations, le degré d’instruction, les corps d’affectation, les localités successives habitées, et enfin la date de la libération du service militaire. Je pense que tous ces hommes qui ont été entrainés malgré eux dans ce conflit, et qui ont eu la chance de  revenir vivants mais fortement marqués dans leur corps, dans leur esprit, ont droit aussi à toute notre reconnaissance. C’est quelque 125 hommes de notre commune qui ont ainsi été mobilisés pendant ce conflit sur notre sol ou dans des conflits extérieurs, beaucoup d’entre eux étant rappelés.

La lecture de ces registres matricules nous renseigne souvent sur le calvaire subi par certains comme les blessures à répétition, les séances aux armées et à l’intérieur (hôpital, convalescence). Mais aussi la bravoure reconnue dans les différentes citations à l’ordre du régiment.

Voici un exemple du parcours dans l’armée à cette époque du soldat HENRY Joseph Constant Edmond, instituteur, né le 1er mai 1889 à Saint Aubin des Bois, fils de Jules Joseph, maçon, domicilié à Chazay et de Collet Marie Constance.

Incorporé au 37ème régiment d’infanterie à compter du 5 octobre 1910 comme appelé, arrivé au corps et soldat de 2ème classe le 6 dudit mois. Soldat de 1ère classe le 1er octobre 1911. Envoyé dans la disponibilité le 25 septembre 1912. Certificat de bonne conduite accordé. Passé dans la réserve de l’armée active le 1er octobre 1912. La vie peut reprendre mais…

Rappelé à l’activité au régiment d’infanterie de Dreux par décret de mobilisation générale du 1er août 1914. Arrivé au corps le 3 août 1914. Caporal le 16 février 1915. Caporal fourrier le 25 juin 1915. Passé au 150ème régiment d’infanterie le 5 novembre 1916. Passé au 42ème  régiment d’infanterie le 4 décembre 1916. Passé au 32ème régiment d’infanterie le 25 mars 1917. Placé en sursis d’appel du 1er mai 1919 au 15 novembre 1919 au titre du service de l’instruction publique en Alsace et Lorraine. Nommé sergent le 5 novembre 1918. Mis à la disposition du recteur de l’académie de Strasbourg le 11 mars 1919. Détaché comme instituteur militaire à Foville (Moselle). Envoyé le 2 août 1919 par le 102ème régiment d’infanterie à destination de Saint Aubin des Bois. Affecté dans la réserve au 101ème régiment d’infanterie le 1er juin 1921. Passé au 5ème régiment d’infanterie le 1er janvier 1924. Passé par suite de changement de domicile dans la subdivision de Chartres le 8 mai 1925. Classé affecté spécial instruction publique, enseignement primaire, en qualité d’instituteur à Sancheville le 1er juin 1929.

Campagne contre l’Allemagne :

*aux armées du 3 août 1914 au 28 septembre 1914

Blessé par éclat d’obus, index droit, le 29 septembre 1914, à Champien, évacué sur l’hôpital temporaire (à l’intérieur du 29 septembre 1914 au 4 novembre 1914).

*aux armées du 5 novembre 1914 au 24 septembre 1915

Blessé par éclat d’obus au maxillaire inférieur le 25 septembre 1915, à Baconnes, évacué sur l’hôpital de Fontainebleau (à l’intérieur du 25 septembre 1915 au 4 novembre 1916).

*aux armées du 5 novembre 1916 au 10 juin 1918

Blessé le 11 juin 1918, à Gournay, plaie auriculaire, plaie omoplate droite et à la nuque par explosion d’obus, évacué sur l’hôpital de Nantes (à l’intérieur du 11 juin 1918 au 25 août 1918).

*aux armées du 26 août 1918 au 10 mars 1919.

Citations : Cité à l’ordre de la 13ème brigade d’infanterie, « blessé le 29 septembre 1914, est revenu au front à peine guéri. A toujours fait preuve d’une grande énergie ».

Cité à l’ordre du régiment du 30 mai 1918 : « Chef de liaison, a dirigé celle-ci dans des conditions remarquables malgré les feux nourris des mitrailleuses ennemies. A donné à tous ceux qui l’ont vu le plus bel exemple de calme, de sang-froid et de mépris du danger ».

Croix de guerre.

Michel GUESNET

La 2nde guerre mondiale à Saint-Aubin des Bois (1939 – 1945)

Courant septembre – octobre 2012, vous aviez peut-être aperçu à la lisière des bois bordant la forêt, sur le territoire de notre commune, un « défilé » de véhicules de gendarmerie.

Dans le cadre d’un exercice de routine (manœuvre), les gendarmes de Lucé ont découvert 2 obus « à ciel ouvert », l’un était inoffensif, mais l’autre actif. Cet obus a donc été désamorcé par le service de déminage de Versailles.

Vous vous poserez sans doute la question du pourquoi de cette découverte et que faisaient ces obus dans ces bois-là ?

C’est ce que nous allons tenter de vous expliquer.

« Il faut remonter 73 ans en arrière : nous sommes le 3 septembre 1939, la France déclare la guerre à l’Allemagne nazie. C’est le début de la seconde guerre mondiale. Dans les jours qui suivirent, les hommes partirent de Saint-Aubin des Bois pour aller combattre. Les femmes et les personnes âgées durent remplacer leur mari et leur fils dans les travaux journaliers, plus pénibles qu’aujourd’hui!

Début juin 1940, les Allemands passent la Seine. À Saint-Aubin des Bois, c’est l’exode vers la Loire pour fuir l’invasion.

Aux alentours des 13 et 14 juin, à l’aide de charrettes, guimbardes, carrioles surchargées le plus souvent tirées par des chevaux, le village se vide de ses habitants et les animaux sont lâchés en liberté.

Les Saint-Aubinois vont jusqu’à Soudé en Loir-et-Cher (41). Très peu passent la Loire à l’exception de quelques uns comme l’ancien curé de la paroisse, l’abbé Coudray, qui alla jusqu’en Vendée et revint un mois plus tard.

Les autres habitants du village sont rentrés le 20 juin.

Entre temps, l’armée française est arrivée le 15 juin à Saint-Aubin des Bois, suivie au bout de quelques jours par l’armée allemande. Ce jour-là, une bombe explose dans les champs près de la rue Marceau. Un soldat Sénégalais est tué près du château d’eau.

La présence des allemands dans le village provoqua l’insécurité entraînant la crainte de représailles assez fréquentes dues aux menaces de ses officiers.

Au soir du 12 août 1943, un bombardier américain s’écrase en forêt près de « la Brèche » (hameau qui était constitué à l’époque d’une seule maison, qui n’existe plus, en limite de commune avec Genainvilliers).

Le 14 août, des officiers allemands, aidés par des français réquisitionnés, travaillent à la récupération d’objets « intéressants ». Que s’est-il passé? Probablement l’amorçage accidentel d’une bombe qui provoqua l’explosion de l’avion, mutilant, tuant, et ensevelissant les hommes.
L’endroit est toujours visible sous forme d’un trou qui faisait après l’explosion 70 mètres de circonférence et 9 mètres de profondeur !

Le samedi 9 juin 1944, des avions de chasse anglais mitraillent le château d’eau (des bâtiments de ferme en ont gardé des vestiges : les points d’impact de balles). Il fallut recourir aux tonnes à eau pour le ravitaillement.

Le deuxième mitraillage du château d’eau eut lieu le dimanche 28 juin au matin alors que des camions d’essence et de munitions étaient cachés un peu partout notamment autour de l’église. L’étable de Mr PICHARD fut incendiée et une vache fut tuée dans le pré de Mr THÉAU.

Une section de D.C.A. allemande (avions de chasse et canons de défense anti-aérienne) est installée aux « Gaziers » (sortie de Saint-Aubin des Bois vers Chartres). Les habitants réquisitionnés doivent renouveler le camouflage par des feuillages tous les jours et faire le ravitaillement en eau. Ils doivent également avec les chevaux et des tombereaux (sorte de charrettes à 2 roues que l’on décharge en les faisant basculer en arrière), aller reboucher les trous de bombes sur le terrain d’aviation de Chartres. Il leur faut aussi monter la garde près des meules de grain et surveiller la ligne SNCF.

Le 12 août 1944 a lieu le dernier bombardement des trains de marchandises en gare de Saint-Aubin des Bois (au Petit Chêne). Un habitant, Mr MINORET, y fut blessé aux jambes

Le 14 août, une bataille d’avions de chasse au-dessus du pays fait tomber un avion américain près de Grognault ; l’aviateur fut inhumé au cimetière de Fontaine-la-Guyon. Une balle incendiaire met le feu à un tas de paille dans la ferme de Mr PIPEREL à Chazay.

La forêt pendant ce temps-là devient un véritable dépôt de munitions, des milliers de tonnes sont amenées par camions venant du nord et par la ligne de chemin de fer construite par les allemands, de la gare de Bailleau-l’Evêque au « Péage ».

À l’approche des américains, les allemands voulaient faire exploser ces munitions : Saint- Aubin des Bois et sans doute aussi d’autres villages alentour auraient été détruits par le souffle! La catastrophe fut évitée au dernier moment : l’officier allemand chargé de la mise à feu ayant coupé tous les fils électriques conduisant aux divers dépôts. Pourquoi?

C’est après la guerre, dans les années 50, que les services de déminage feront exploser tous ces engins. Ils le firent par quantités réduites. Certaines dépassèrent pourtant la normale puisque la toiture de Mr LEGUILLER fut soufflée et beaucoup de maisons lézardées. Un matin, des sortes de petits V1 (premier missile de croisière (bombe volante) créé par l’armée allemande – voir ci-dessous) qui firent plus de peur que de mal (aucun n’est tombé sur les habitations), sont partis un peu dans tous les sens : un s’enterrant dans un champ derrière la ferme de Mr BRULARD, un autre explosant près d’une maison, et certains sont allés jusque près de Saint-Georges-sur-Eure.

L’attribut alt de cette image est vide, son nom de fichier est missileV1-2ndguerremondiale.jpg.

Le 15 août 1944, vers 13 H, les américains entrent dans Saint Aubin des Bois : c’est un soulagement pour la population, et la fête dans le village! Ce sont d’abord des groupes de reconnaissance, puis les chars. Un camp est installé dans les champs au champtier des Vignes (maison Gasnot) et un hôpital de campagne à « Cervelle ».

L’armée américaine, pour son approvisionnement en carburant, avait installé trois pipe-lines : de Cherbourg à Strasbourg, passant par chez nous, sous la forêt et allant vers Séresville, hameau de Mainvilliers.

Sans doute sous les à-coups de pressions trop fortes, ces pipe-lines subirent de graves dommages : d’importantes fuites se produisirent, laissant le carburant se répandre dans les champs. Plusieurs années après, des ouvriers qui creusaient une tranchée de drainage au champtier du « Fossé Plat » remarquèrent des odeurs d’essence!

Il a fallu attendre le mois de juin 1945 pour revoir les derniers prisonniers revenir dans leurs foyers. »

(Extrait du fascicule Sous-Bois n°6 de juin 1982)

Le dimanche 22 août 1976, un feu, de cause inconnue, s’est déclaré dans la forêt de Saint-Aubin des Bois ravageant 60 hectares. Outre les hectares de bois détruits, l’inquiétude pesa sur la présence d’obus et de bombes découverts au beau milieu du feu dont une cinquantaine de détonations se sont fait entendre juste après l’incendie. La protection civile de Versailles a été alertée pour désamorcer ces munitions.

La question de l’époque était « comment se fait-il qu’un terrain infesté de bombes et d’obus n’ait jamais été nettoyé depuis la guerre ? »

Ce nettoyage a bien été réalisé comme indiqué précédemment, mais la forêt de Bailleau est vaste s’étendant sur 680 hectares couvrant les communes de Bailleau-l’Evêque, Briconville, Dangers, Saint-Arnoult des Bois, Fontaine-la-Guyon, Mittainvilliers et Saint-Aubin des Bois.

On peut supposer qu’il reste encore de nombreux obus notamment au creux des cratères disséminés dans les bois, et on ne sait pas s’ils sont encore susceptibles d’exploser ou pas !

La preuve, 72 ans après, on en retrouve encore !

Florence BARRÉ

Petit retour en arrière : Par délibération en date du 12 août 1945 approuvée le 25 septembre 1945, le conseil municipal a décidé d’allouer la somme de 1 000 F au chef de chacune des familles sinistrées à la suite du bombardement de la gare de Saint Aubin – Saint Luperce le 7 juin 1944

Il s’agissait des familles JUVIN, BERNADET, Veuve FIAND Paul, FIAND Raymond et GUILLAUMIN, considérant la modicité de ressources de ces familles et l’importance des dégâts causés à leurs meubles et immeubles.

Que prévoit la loi pour la mention « mort en déportation » :

La loi n° 85528 du 15 mai 1985 a institué la mention honorifique « Mort en déportation » qui est portée en marge de l’acte de décès de toute personne de nationalité française, ou résidant en France, ou sur un territoire antérieurement placé sous sa souveraineté, le protectorat ou la tutelle de la France, qui, ayant fait l’objet d’un transfert dans un lieu reconnu comme lieu de déportation, prison ou camp visé par l’article L.272 du code, y est décédée ».

La même mention est portée sur l’acte de décès si la personne a succombé à l’occasion du transfert dans un camp.

Procédure d’attribution : l’existence d’un acte de décès ou d’un jugement déclaratif de décès est indispensable dans le cadre de l’attribution de la mention « MED » en faveur du déporté.

Cette plaque se trouve apposée sur le monument aux morts de la commune. Qui étaient ces deux personnes?

A) Une personne native de Chazay : Robert Fernand MAUPERTUIS, mort en déportation

Il faut distinguer plusieurs périodes dans la vie de Robert Fernand MAUPERTUIS :

1-Sa jeunesse, jusqu’à l’âge de 18 ans, du 10/07/1922 au 10/07/1940.

2-Son passage par l’Ecole Normale d’Instituteurs de Chartres comme élève maître, ses stages, sa formation, du 10/07/1940 au 30/09/1942.

3-L’obtention de son premier poste d’enseignant en tant que stagiaire puis titulaire, du 01/10/1942 au 11/03/1943.

4-Son départ pour le STO en Allemagne et son décès, du 12/03/1943 au 20/04/1945.

Nous allons essayer de retranscrire son histoire en nous servant du registre d’état civil de Saint Aubin des Bois, des documents tirés de son dossier d’instituteur que nous avons consulté aux archives départementales d’Eure et Loir, du travail très complet de recherche de Mme Marie-Thérèse GRANGÉ, de Brest, qui effectuait une recherche sur les enseignants d’Eure et Loir pris dans la tourmente de la seconde guerre mondiale, ainsi que des documents plus personnels.

1-Acte de naissance de Robert MAUPERTUIS (registre d’état civil de la commune de Saint Aubin des Bois). « L’an 1922, le 10 juillet, vingt deux heures et demie, est né au hameau de Chazay, Robert Fernand, du sexe masculin, de Arsène Laurent Maupertuis, quarante deux ans, cultivateur, et de Camille Adrienne Roquillet, vingt huit ans, sans profession, son épouse, domiciliés au hameau de Chazay en cette commune. Dressé le 11 juillet 1922, six heures du soir,  sur déclaration faite par le père, en présence de Aristide Ernest Roquillet, grand père de l’enfant, cultivateur, majeur, domicilié au susdit Chazay, et de Paul Frédéric Bousteau, cultivateur, majeur, domicilié à Saint Aubin des Bois qui, lecture faite, ont signé avec le déclarant et Nous, Gédéon Esliens Maupertuis, maire de Saint Aubin des Bois ».

Sa tante du côté maternel, Marie Geneviève Roquillet, née également à Chazay le 02/01/1897, institutrice, célibataire, effectue toute sa carrière à Vérigny depuis 1920. Elle suit particulièrement les études de son neveu (ci-dessous une partie de sa lettre).

Nous n’avons pour l’instant pas trop de renseignements sur sa scolarité jusqu’à l’âge de 16 ans (il était peut être, certainement? dans la classe de sa tante à Vérigny) mais nous savons qu’il a obtenu le brevet élémentaire à Chartres le 7 juillet – 24 septembre 1938.

Le 1er octobre 1939 il est reçu au concours d’entrée à l’Ecole Normale de Chartres.

2-Robert MAUPERTUIS est élève-maître à l’Ecole Normale de Chartres du 10 juillet 1940 au 30 septembre 1942 (dans la colonne observations il est marqué à partir de 18 ans) soit pour la durée des services 2 ans 2 mois 21 jours.

Pendant cette période il va aller de stage en stage pour sa formation : école de garçons de Saint Luperce, école de garçons du Boulevard Chasles, stage à l’IFPI d’Orléans, au Centre Régional d’Education Générale et Sportive à Orléans, à l’école pratique de Montargis, stage dans une classe de second cycle.

Le 23 juin 1941, il est titulaire du Brevet Supérieur, mention « Industrie ».

3-Il obtient son premier poste d’enseignant titulaire à Epernon : il reçoit son acte de nomination sur ce poste le 28 septembre 1942 et sera installé le 1er octobre suivant. Il ne sera titularisé qu’à la date du 1er janvier 1943 et restera sur ce poste jusqu’au 11 mars 1943.

4-Commence alors le périple qui le mènera jusqu’au camp de Mauthausen.

Le 16 février 1943, promulgation de la loi par l’Etat français portant institution du STO (Service du Travail Obligatoire) concernant les jeunes gens des classes 1940, 1941, 1942 (jeunes gens nés en 1920, 1921 et 1922) qui n’effectuent pas de service militaire durant cette période sous le régime de Vichy.

Robert MAUPERTUIS, né en 1922, entre malheureusement dans cette catégorie. Sa tante Marie Geneviève ROQUILLET s’interrogera dans un courrier daté du 11 mars 1946, envoyé à l’Inspecteur d’Académie, sur la façon dont il a été désigné :

La réponse arrivera le 13 avril 1946 :

Le 11 mars 1943, Robert MAUPERTUIS laisse son poste d’instituteur titulaire à Epernon et le 12 mars il quitte son domicile de Chazay pour l’Allemagne.

Le 14 mars 1943, il est arrivé à Wilhelmshaven sur les chantiers navals militaires de la Kriegsmarinewerft où il travaille comme électricien.

« Robert MAUPERTUIS, requis pour le « Service du Travail Obligatoire » en Allemagne, est arrivé le 16 mars 1943 au camp de Sande (Oldenburg), ville voisine de Wilhelmshaven où sont hébergés les prisonniers des différents statuts contraints au travail sur les chantiers navals militaires de Wilhelmshaven et de Westwerft. Il a été employé comme électricien puis comme manoeuvre à l’arsenal. Nous avons presque toujours travaillé ensemble.

Robert MAUPERTUIS a quitté la chambre que nous partagions le 30 septembre 1944 pour gagner l’arsenal.De retour la veille d’un déplacement, je suis arrivé vers 9 heures au « Ressort II T artillerie » où nous travaillions, Robert MAUPERTUIS et moi.

J’ai appris par un camarade qu’il avait été arrêté et dans la matinée le bruit se répandit que d’autres français avaient été pris dans la rafle. Soixante et un ou soixante deux français figurant sur trois listes de 80 noms environ (80 en tout) furent arrêtés. Robert MAUPERTUIS partit pour le camp de Neuengamme (camp de concentration au sud de la ville de Hambourg, le plus proche de Wilhelmshaven).

Les causes de l’arrestation nous ont longtemps échappé. Nous avons d’abord cru à une erreur, qu’un jugement ne manquerait pas de disculper. Hélas, nous avons su par la suite de quelle façon la Gestapo jugeait, Robert MAUPERTUIS ne faisait partie d’aucune formation de résistance armée, mais son attitude fut une continuelle protestation, tantôt calme, tantôt vive, contre le régime nazi et les prétentions d’hégémonie des allemands. sa conduite ne fut jamais vile, ni humble, devant ceux qui se prétendaient nos maîtres. Il était sans aucun doute classé parmi les travailleurs les moins productifs et les esprits les plus difficiles à convaincre. Il milita sans cesse parmi ceux qui cherchaient, suivant le mot d’ordre, à « démoraliser les allemands ». Il ne dissimulait pas, probablement pas assez, son mépris pour ces « français » qui capitulaient et se faisaient les séides du régime nazi.

Ce n’est pas sans une émotion intense que je fais revivre tout ce passé. Tous ceux qui souffrirent de la gestapo ou la frôlèrent en frémissent encore.

Tous ceux qui connurent Robert MAUPERTUIS gardent le souvenir d’un camarade charmant, vrai générateur de courage, d’entrain, et, disons-le, de patriotisme. Il n’était pas chauvin mais aimait son pays qu’il souhaitait ardemment revoir, et méprisait ceux qui, étrangers ou français, le souillaient. Il ne tua point ses adversaires mais il sut les couvrir de ridicule. Sa verve ironique ne tarit jamais tant qu’il fut libre. Contre de tels hommes, les allemands de Hitler n’avaient qu’un recours : le supplice et la mort. C’est ainsi que Robert MAUPERTUIS nous fut enlevé ». (D’après un rare témoignage d’un camarade de Robert dans un courrier daté du 17 décembre 1953).

Le 13 février 1945, arrivée au camp de concentration de Mauthausen (Autriche) venant du camp de concentration de Neuengamme, immatriculé sous le n° 132 471.

Le 25 mars 1945, il quitte l’infirmerie du camp de Mauthausen selon un témoignage.

On ne peut qu’imaginer les souffrances endurées au jour le jour dans ces camps de travail.

Le camp de concentration de Mauthausen sera libéré par les troupes américaines de la IIIème armée les 5 et 6 mai 1945, soit 15 jours après le décès de Robert MAUPERTUIS ! Dans les jours qui ont précédé, le camp a connu « une mortalité effroyable« d’après le site de la Fondation pour la Mémoire des Déportés, historique de ce camp.

Sur le site de la Fondation pour la Mémoire de la Déportation, concernant les déportés internés à Neuengamme, nous trouvons le nom de Robert MAUPERTUIS avec le parcours complet ainsi libellé : Wil, Ng, Sa, Ma. Ces abréviations sont celles de Wilhelmshaven, Neuengamme, Sachsenhausen et Mauthausen.

Et comme évoqué au bas de la première partie de cette lettre, le grand père de Robert, Aristide Ernest ROQUILLET, 83 ans, ainsi que sa pauvre mère, Camille Adrienne ROQUILLET, épouse MAUPERTUIS, 51 ans, sont décédés le même jour, le 16 novembre 1945, dans des circonstances particulières.

Transcription de l’acte de décès de Robert Fernand MAUPERTUIS (registre d’état civil de la commune de Saint Aubin des Bois).  

L’an 1945, le 15 avril, est décédé à Mauthausen (Autriche) MAUPERTUIS Robert Fernand, instituteur, né le 10 juillet 1922 à Saint Aubin des Bois (Eure et Loir), domicilié en dernier lieu à Saint Aubin des Bois, fils de MAUPERTUIS Arsène Laurent, cultivateur et de ROQUILLET Camille Adrienne, son épouse, célibataire.

(MAUPERTUIS Arsène Laurent est né à Saint Aubin des Bois le 12 août 1879, de MAUPERTUIS Gédéon Esliens, 31 ans, cultivateur, domicilié à Saint Aubin des Bois, et de GANGNOLLE Victoire Isoline Radegonde, 28 ans, sans profession. Il s’est marié à Saint Aubin des Bois le 30 août 1921 avec ROQUILLET Camille Adrienne, née à Saint Aubin des Bois le 17 août 1893 et décédée le 16 novembre 1945).

Le présent acte a été dressé par nous, officier de l’état civil au ministère des Anciens Combattants et Victimes de le Guerre à Paris, le 17 septembre  1946, conformément aux dispositions de l’ordonnance n° 45256 du 30 octobre 1945 (art 31) inséré au Journal Officiel du 31 octobre 1945 sur la base des éléments d’information figurant au dossier du de cujus qui nous a été présenté ce même jour. L’officier de l’état civil, signé illisible.

Transcris le 20 septembre 1946, douze heures, par Nous, Pierre Etienne GAUTHIER, maire de Saint Aubin des Bois.

Plaque apposée dans l’église de Saint Aubin des Bois

« Mort pour la France »

Pour le Directeur du contentieux de l’état civil et des Recherches, le Chef de Bureau des fichiers et de l’état civil-déportés. Signé illisible.

Pour mention, le maire, signé BIOU.

« Mort en déportation » annotation du 02 juillet 1996 sur le registre faisant référence au courrier en date du 20 juin 1996 provenant du ministère des anciens combattants et victimes de guerre, délégation à la mémoire et à l’information historique.

« Objet : loi n° 85-528 du 15 mai 1985 relative à l’apposition de la mention « Mort en Déportation » sur les actes et jugements déclaratifs de décès.

Conformément à l’arrêté du 26 janvier 1995 (JO du 08 mars 1995) pris en application de la loi précitée, je vous prie de bien vouloir :

Inscrire la mention « Mort en déportation » en marge de la transcription de l’acte de décès effectuée en votre mairie le 20 septembre 1946 au nom de MAUPERTUIS Robert Fernand, né le 10 juillet 1922 à Saint Aubin des Bois (Eure et Loir), décédé le 20 avril 1945 à Mauthausen (Autriche)

  • Conserver cet avis. Si une divergence apparait, retourner cette lettre accompagnée de la photocopie de la transcription en votre possession.
  • Envoyer un double de cet avis au greffe du tribunal pour mise à jour du deuxième registre d’état civil.

B) André PETIT : Le 13 novembre 1945, 5 heures, est décédé 55 rue Albert Rémy, sanatorium des cheminots de Ris Orangis, arrondissement de Corbeil, département de Seine et Oise, André PETIT, soldat au 115ème Régiment d’Infanterie, domicilié à Saint Aubin des Bois, né à Saint Aubin des Bois le 14 août 1912, fils de Louis Constant Félix PETIT, sans profession, domicilié à Saint Aubin des Bois, et d’Adèle Célestine LAMBERT, décédée. Célibataire. Il avait 33 ans. Mention « Mort pour la France ».

Extrait des registres de l’état civil de la commune de Ris-Orangis, arrondissement de Corbeil, département de Seine et Oise. « Le treize novembre mil neuf cent quarante cinq, cinq heures, est décédé 55 rue Albert Rémy, André PETIT, soldat au 115ème régiment d’Infanterie, domicilié à Saint Aubin des Bois (Eure et Loir), né à Saint Aubin des Bois le quatorze août mil neuf cent douze, fils de Félix PETIT, sans profession, domicilié à Saint Aubin des Bois, et de Adèle LAMBERT, décédée, célibataire. Dressé le quatorze novembre mil neuf cent quarante cinq, neuf heures, sur la déclaration de René DUHAMEL, quarante six ans, économe du sanatorium des cheminots, domicilié à Ris-Orangis, 55 rue Albert Rémy, qui lecture faite a signé avec Nous, Jean GOURDOUX, Maire de Ris- Orangis (suivent les signatures) ».

« Pour extrait conforme à Ris-Orangis, le quinze février mil neuf cent quarante six, délégation au Maire, l’adjoint, signé illisible ». Transcrit le dix sept février mil neuf cent quarante six, douze heures, par Nous Pierre Etienne GAUTHIER, Maire de Saint Aubin des Bois.

Acte de naissance d’André Félix PETIT : l’an mil neuf cent douze, le quinze août à cinq heures du soir, devant Nous Gédéon Esliens MAUPERTUIS, maire et officier de l’état civil de la commune de Saint Aubin des Bois, arrondissement de Chartres (Eure et Loir), est comparu Louis Constant Félix PETIT, âgé de trente huit ans, charretier, domicilié à Grognault en cette commune, lequel nous a déclaré et présenté un enfant du sexe masculin né hier à onze heures du soir, de lui déclarant et de Adèle Célestine LAMBERT, son épouse, âgée de trente quatre ans, sans profession, en leur domicile commun, auquel enfant il a donné les prénoms de André Félix.

Ces déclaration et présentation ont été faites en présence de Adolphe DAVID, âgé de quarante quatre ans, cultivateur, domicilié au sus-dit Grognault, et de Victor Albert LENFANT, âgé de cinquante ans, instituteur, domicilié à Saint Aubin des Bois. Dont acte fait en mairie, le déclarant et les témoins ont signé avec Nous après lecture faite ».

Les parents de André Félix PETIT :

a) Le père, Louis Constant Félix PETIT est né le 13 janvier 1874 à Grognault, de Louis Félix PETIT, 28 ans, journalier, domicilié à Grognault, et de Florentine Aglaé Angèle, 16 ans, ouvrière en robes. (déclaration faite en présence de Louis Eugène Alexandre TAILLEBOIS, 30 ans, instituteur public, domicilié à Saint Aubin des Bois, et de Louis Pierre LAIGNEAU, 61 ans, garde champêtre, domicilié à Chazay, le maire étant Marie Alexandre Albert MAUZAIZE).

Il se mariera à Nogent le Phaye, à 26 ans, le 23 juin 1900. Il décèdera le 19 avril 1948 à Chartres à 74 ans.

b) La mère : Adèle Célestine est née le 25 mai 1878 à Nogent le Phaye, enfant naturelle, de Ernestine Victorine RIGAULT, 17 ans, domestique, domiciliée à Nogent le Phaye, rue du Tronc, célibataire.

Par leur acte de mariage célébré le 24 avril 1879 en la mairie de Nogent le Phaye, les époux Alexandre Marie Constant LAMBERT et Ernestine Victorine RIGAULT ont reconnu et légitimé l’enfant Adèle Célestine.

Découverte fortuite sur les registres d’état civil de la commune :

Le hasard a voulu que je tombe sur un acte de naissance annoté pour partie de la façon suivante : naissance le 26 juillet 1893 de Aimé Louis Lucien, fils de Jules Victor Louis Durand, cultivateur demeurant à Grognault, et de Céline Laurence Charpentier. Dans la marge il est noté décédé à Sonnerbug (Allemagne) le 15 mai 1944, mention transcrite le 5 octobre 1946. Autre mention : mort en déportation, transcription du 6 mars 1992, signé Durand, Maire.

Le STO (Service du Travail Obligatoire)

Confrontée à un renforcement du conflit sur le front est, l’Allemagne a un besoin crucial de main d’œuvre et fait appel aux ressources disponibles dans les pays occupés.

Face aux demandes, Pierre Laval met en place le système de la Relève dans lequel le départ de 3 ouvriers français pour l’Allemagne est compensé par le retour d’un prisonnier de guerre en France.

Ce système, basé sur le volontariat, ne rencontre pas le succès escompté. La loi du 16 février 1943 crée un service de Travail obligatoire (STO) de deux ans pour tous les jeunes gens nés entre le 1er janvier 1920 et le 31 décembre 1922. « Ces jeunes gens sont divisés en trois catégories : les maintenus dans leur emploi, ceux affectés en France dans les entreprises industrielles ou sur des chantiers, et ceux dont tout ou partie du service va se passer en Allemagne. Au début avril 1943, l’Allemagne réclame 220 000 hommes pour le Reich et 180 000 pour la France (3e action) avec en contrepartie la possibilité de transformer 250 000 prisonniers de guerre français en travailleurs libres pouvant bénéficier de permissions ».

Cette mesure est immédiatement impopulaire et de plus en plus de jeunes ne se présentent pas aux convocations. Obligés de se cacher pour éviter la répression, certains réfractaires gagnent les maquis et intègrent la Résistance.

Même si, début 1944, 650 000 jeunes travaillent en Allemagne, la France ne parvient pas à fournir le contingent exigé. Ces réquisitions passent mal en Eure et Loir, déjà déficitaire en main d’œuvre et où les travaux agricoles mobilisent toutes les ressources disponibles.

Les 6 premiers mois suivant la mise en place du STO, 1 161 jeunes gens partent en Allemagne et 106 ne se présentent pas. Des incidents ont lieu au départ des trains et les offices de placement allemands sont la cible d’attaques.

Des demandes de réajustement sont régulièrement formulées, le contingent n’étant pas réalisé et le complément semblant impossible à trouver.

(Panneau des archives d’Eure et Loir lors de l’exposition sur la guerre 1939/1945, le 30 novembre 2022)

Les travailleurs réquisitionnés sont le plus souvent envoyés sur les chantiers de l’organisation Todt pour édifier des fortifications sur les côtes, de la Norvège au Golfe de Gascogne.

Voici le vécu, à travers quelques courriers conservés, et les pérégrinations d’un de ces jeunes gens qui passera un peu plus de deux ans hors de chez lui. Tout jeune marié, depuis juin 1942, il partira le 23 mars 1943, avec ses outils de coiffeur, pour ne rentrer que le 3 juin 1945 dans ses foyers.

Année 1943

23 mars : départ pour l’OT (organisation Todt) Lorient

24 mars : départ de Chartres par Le Mans, Laval, Rennes, Redon, Vannes et Lorient

24 mars : arrivée au camp FRANCO à Hennebont (camp des espagnols, sans doute lié à la présence des républicains espagnols)

26 mars : départ pour le camp LAGER CLUSTER à Guidel, Morbihan, rue du Couvent, comme manœuvre à la gare II de Gestel

« Guidel dimanche soir : cette fois on a reçu le baptême du feu, on a eu alerte depuis que je suis ici deux fois mais vendredi soir, beaucoup de copains étaient déjà au lit et je m’apprêtais à me déshabiller quand, tout à coup, coup de sifflet dans la cour, on a deux minutes pour descendre ; moi, depuis un peu, j’ai pris l’habitude de tout préparer ; en un clin d’œil, je suis prêt, bien habillé, avec ma lampe électrique  et une couverture ; alors on est descendu pour aller dans les champs car on n‘a pas d’abri, mais dans les champs c’est bien mieux et beaucoup plus sûr, surtout par ici ; on avait déjà repéré un  grand talus bien abrité de toute part et on s’y est rendu avec les copains ; cinq minutes après on a entendu les sirènes de Lorient et quelques instants après les avions ; il n’y en avait pas beaucoup ; tout d’abord de Lorient, et de toute la côte, la DCA a lancé des balles traçantes, puis les avions ont jeté des fusées éclairantes, la DCA a tiré, les projecteurs se sont mis en marche et en un clin d’œil ça s’est mis à descendre. Je vous assure que quand on ne s’est jamais trouvé dans des trucs comme ça, ça vous fait un drôle d’effet. La bombe la plus proche est tombée à deux kilomètres, un moment on a eu bien peur car un avion était pris dans 15 projecteurs et il s’avançait juste au-dessus de nous, on se demandait s’il allait tout lâcher pour se sauver car la DCA le chatouillait drôlement mais après une habile manœuvre il a foncé sur Lorient et il a tout lâché ! Alors, pendant une demie heure, par petites vagues, ça n’a pas cessé de tomber ; ensuite ça s’est calmé, on croyait que c’était fini mais les fusées éclairantes ont réapparu, la DCA a tiré et les avions ont remis ça alors plus près. Je vous garantis que l’on était tous collés par terre et personne ne bougeait ; ça a encore duré un peu, on voyait clair comme en plein jour. Ça a duré de 23 heures à 2 heures du matin ; cette nuit-là on n’a pas bien dormi ; c’est la base sous-marine et la côte qui ont été atteintes. »

17 avril : départ pour le camp BAUER à Quéven comme manœuvre gare II à Gestel

« Une grande quantité de matériaux sont entreposés dans le camp, il y a du ciment en masse, des tuiles, des briques, des bardeaux, des ardoises. Aujourd’hui mardi, pas grand changement au camp, toujours le même travail, déchargement des wagons de sable, de graviers et de ciment… Je n’écris jamais de bonne heure car j’ai toujours quelques barbes et coupes de cheveux à faire, il y a des gars de la barraque voisine qui viennent… Le lendemain mercredi, on a déchargé un wagon de briquettes et après on s’est mis au ciment, on en a déchargé 30 wagons, toutes les équipes y étaient, heureusement encore que l’on n’a pas eu à trop les charger à dos, on les a déchargés dans des wagonnets sur une petite ligne à côté. On a l’air de se précipiter, le travail des blockhaus presse sans doute !

Courrier du 6 mai : « Hier dans notre journée on a déchargé 6 trains de sable, soit 85 wagons environ et aujourd’hui 3 trains et tantôt on a empierré une route, au ralenti naturellement ».

17 juin : rafle sur le chantier pour l’Allemagne

17 juin : arrivée au camp FRANCO à Hennebont

« Vendredi tantôt : Mes chers parents, vous ne vous attendez sûrement pas à cette mauvaise nouvelle car nous partons pour l’Allemagne. Voilà comment ça s’est passé : hier matin jeudi vers 11H30 sur le chantier arrivent deux voitures d’officiers ; nous, sans faire attention comme il en vient assez souvent on continuait à pousser nos wagonnets de pierres quand tout à coup le chef d’équipe s’amène et nous emmène tous au bureau. Là, défense de partir et voilà un car qui arrive, alors j’ai compris tout de suite. On voulait nous embarquer sans même aller chercher nos bagages au camp. Alors moi sans hésiter j’enjambe un talus et je fonce à travers les prés au camp suivi par deux copains et on comptait aller chercher nos valises et se sauver chez nous. Mais aussitôt à la baraque, en train de m’habiller, le chef d’équipe avait vu la manœuvre et venait me prévenir de ne pas faire de blague car toutes les routes et les gares sont gardées à cette attention-là, et on serait pris pour déserteurs immédiatement et ceux qui seraient repris seraient considérés comme prisonniers de guerre et envoyés dans les mines de sel. Alors résignés je suis retourné avec les copains au chantier et là on est monté dans le car, on était une bonne vingtaine et alors direction Hennebont au fameux camp Franco. Là on était dans les barbelés et gardés par des sentinelles armées. Puis nous partons vers la Belgique, et nous entrons en Allemagne à Aix la Chapelle. Ne vous tourmentez pas et papa a bien été là-bas dans des conditions pires que moi je serais ».

19 juin : départ pour l’Allemagne par Vannes, Redon, Nantes, Angers, Le Mans, Chartres, Rambouillet, Trappes, Mantes, Creil, Compiègne, Tergnier, Maubeuge, Charleroi, Namur, Liège, Aix la Chapelle, Cologne, Dusseldorf, Dortmund, Arnsberg, Hagen, Gorbach, Waldek et Buhlen

23 juin : arrivée à Buhlen pour les chantiers du barrage de l’Eder (ce barrage avait été endommagé par les bombardiers de la RAF lors de l’opération Chastise dans la nuit du 17 mai 1943)

23 juin : arrivée au camp de Hemfurth comme coiffeur gardien de baraque

Année 1944

23 janvier : départ pour l’île de Sylt (en face le Danemark) par Fritzlar, Wabern, Cassel, Goettingen, Hanovre, Celle, Lunebourg, Hambourg, Altona, Heide, Husum, Nielbul, Westerland, List auf Sylt

24 janvier : Arrivée à List pour le camp d’Ellenbogen comme coiffeur gardien de baraque (c’est le point le plus au nord de l’Allemagne, mer du nord)

9 août 1944 : » Je vais bientôt quitter ici pour un autre camp au sud de l’île. Je ne vais pas au Tyrol comme je vous en avais déjà parlé » (lettre reçue le 12 février 1945)

1er septembre : départ d’Ellenbogen pour Ouan Klent (sud de l’île) par List, Blidsel, Klappoltal, Kamjen, Wennigstedt, Westerland, Dikjen, Drel, Rantum I, Rantum II, Puan Klent caserne et Puan Klent batterie

1er septembre : arrivée au camp comme coiffeur employé au bureau

1er octobre : départ pour Hörnum (extrême sud de l’île) par Hörnum nord et Hörnum sud

1er octobre : arrivée à Hörnum sud pour le camp Wittdün comme coiffeur.

« Pour améliorer l’ordinaire, nous pouvons aller à la pêche aux plies, aux moules et aux carrelets »

Année 1945

Hörnum le 23 février : « J’ai eu une grande surprise avant-hier : j’ai reçu une lettre de ma mère mais hélas datée du 10 août, elle a mis du temps à me parvenir » !

Wittdün le 10 mars : « Cette fois je t’annonce mon départ proche. Les premiers camarades partent lundi, nous ne sommes pas beaucoup : 25 français je crois sur 100, car comme nous quittons l’OT nous ne pouvons pas partir beaucoup. Tous les autres restent avec une autre firme qui arrive ici ; nous allons à Bramsche au nord d’Hosnabrück »

Wittdün le 21 mars : » Nous ici nous avons droit au passage des V1 en direction nord Angleterre, 2 à 3 fois par jour ».

20 avril : départ d’Hörnum pour le camp Steinmannstrasse à Westerland en vue du départ pour le nouveau chantier à Husum

20 avril : arrivée à Steinmannstrasse à Westerland

5 mai : départ de Westerland : » fin de la guerre pour le nord de l’Allemagne, le Danemark et la Norvège. Départ de Westerland, afin qu’il ne soit pillé par les étrangers, pour le camp de Rantum à 6 km au sud »

15 mai : départ de Rantum pour Wermigstedt, rassemblement de tous les français, polonais, hollandais de l’île ; camp sous direction française.

25 mai : arrivée des anglais sur l’île et d’un commandant français en vue du rapatriement

27 mai dimanche : arrivée sur l’île de camions anglais,

Départ pour la France à midi,

Le long de la digue un camion couché à Flennsbourg,

Ensuite pendant une semaine voyage de retour en camion et trains par Kiel, Lübek, Luebourg, Werden, Osnabrüch, Munster, Clèves, Hollande, Heindhoven, Belgique, Bruxelles, Lille, Valenciennes

Centre d’accueil, formalités de rapatriement,

Amiens, Creil, Versailles, Chartres arrêt

3 juin, dimanche, « de retour chez moi à 15 H ; fin d’un épisode qui va me laisser des souvenirs jusqu’à la fin de ma vie ».

Et ce ne sont que quelques documents que nous avons retranscrits : autres lettres, des cartes postales, des cartes topographiques, les photos des camarades, des objets…